En Tunisie, le débat sur l'homosexualité au grand jour - Maghreb

Maghreb

En Tunisie, le débat sur l'homosexualité au grand jour

D'émissions entièrement consacrées à l'homosexualité au drapeau arc-en-ciel récemment brandi sur la principale artère de Tunis, les militants LGBT sont sortis de l'ombre en Tunisie, mais leur condition reste très précaire, du fait d'un rejet social encore violent et d'une législation hostile.

E-llico.com / Actus

En Tunisie, le débat sur l'homosexualité au grand jour
Maghreb

Mis en ligne le 16/05/2016

Tags

Tunisie Homophobie Test anal Prison

Sur le même sujet

L’Inter-LGBT et Shams mobilisées pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité‏
17 mai
L’Inter-LGBT et Shams mobilisées pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité‏
Un mois de prison en appel pour les six étudiants condamnés pour homosexualité
Tunisie
Un mois de prison en appel pour les six étudiants condamnés pour homosexualité
La justice donne raison à l'association Shams militant pour les droits homosexuels
Tunisie
La justice donne raison à l'association Shams militant pour les droits homosexuels
Un des étudiants homosexuels arrêtés en décembre affirme avoir été humilié et torturé
Tunisie
Un des étudiants homosexuels arrêtés en décembre affirme avoir été humilié et torturé
13 ONG fustigent les lourdes condamnations pour homosexualité contre  six étudiants
Tunisie
13 ONG fustigent les lourdes condamnations pour homosexualité contre six étudiants
La Tunisie doit protéger les victimes de violences liées au genre, estime Amnesty
Droits
La Tunisie doit protéger les victimes de violences liées au genre, estime Amnesty
Le ministre de la Justice a bien été limogé pour ses propos sur l'homosexualité
Tunisie
Le ministre de la Justice a bien été limogé pour ses propos sur l'homosexualité
Le président tunisien opposé à la dépénalisation de l'homosexualité
Article 230
Le président tunisien opposé à la dépénalisation de l'homosexualité
Un jeune homme condamné à la prison ferme après un test anal
Tunisie
Un jeune homme condamné à la prison ferme après un test anal

La défense des droits LGBT, longtemps discrète et taboue, s'affiche peu à peu depuis la révolution de 2011 et la libération de la parole qui en a résulté. Plusieurs associations ont vu le jour, comme Mawjoudin ("Nous existons") ou Shams ("Soleil").

Le débat a fait irruption sur la scène publique au printemps dernier avec de francs appels à la dépénalisation de l'homosexualité de la part d'associations. L'article 230 du Code pénal punit en effet la sodomie et le lesbianisme de trois ans de prison.

"Je ne vois pas pourquoi nous devons vivre cachés. Notre vie privée ne regarde que nous", dit le jeune vice-président de Shams, Ahmed Ben Amor, qui à 19 ans a été chassé par sa famille et expulsé de son lycée pour avoir affiché son homosexualité.

Bravant l'hostilité d'une large frange de la population, des associations ont tenu ces derniers mois des réunions ouvertes au public. Drapeau arc-en-ciel à la main, des militants LGBT ont même défilé à Tunis le 14 janvier, jour anniversaire de la révolution.

Signe de l'opprobre, voire de la haine à leur encontre, des dizaines de personnes leur ont toutefois crié de "dégager", obligeant la police à les escorter vers une rue adjacente.  

Impensable

Aujourd'hui, l'homosexualité est devenue un sujet récurrent dans les médias tunisiens. Entendre des personnes parler publiquement d'homosexualité était pourtant "une chose impensable il y a quelque temps", relève Wahid Ferchichi, universitaire et président de l'Association tunisienne de défense des libertés individuelles.

"Le contexte post-révolution a permis à une minorité de s'exprimer et de revendiquer son existence", explique le sociologue Mohamed Jouiri, pour qui "la situation des homosexuels en Tunisie est bien meilleure que dans d'autres pays arabes".

Celle-ci reste toutefois très délicate. "Quand tu es homo en Tunisie, il faut que tu vives avec deux visages", confie un jeune homosexuel de Bizerte (nord). "Avec les hétéros, tu ne montres pas que tu es différent car il y a le risque d'être confronté à la violence. Et il y a un autre risque très important, la loi".

L'an dernier, plusieurs jeunes ont été arrêtés et condamnés à de la prison pour homosexualité. Un tribunal de Kairouan (centre) a même assorti son jugement à l'encontre de six étudiants d'une peine de cinq ans de bannissement de la ville.

Si le président Béji Caïd Essebsi a jugé cette dernière mesure archaïque, il ne s'est pas prononcé sur la peine de prison et a catégoriquement exclu toute dépénalisation de l'homosexualité. "Je refuse" l'abrogation de l'article 230, a-t-il asséné dans un entretien à une télévision égyptienne. Des ONG fustigent aussi le recours aux tests anaux lors des interpellations, un traitement "cruel, inhumain et dégradant".

Pire qu'avoir la peste

Au quotidien, les homosexuels continuent en outre de souffrir d'un profond rejet social et de l'hostilité ambiante. "Etre homosexuel en Tunisie, c'est pire qu'avoir la peste", témoigne Mohamed Ali, 22 ans, l'un des étudiants arrêtés à Kairouan.

Le jeune homme se dit encore traumatisé par l'examen anal qu'il a subi sous le regard de deux policiers et par son passage dans une prison de Sousse (centre-est), où il raconte avoir été agressé et ridiculisé parce qu'homosexuel. "Des détenus me forçaient à danser tout nu alors que les gardiens regardaient, amusés et complices", affirme-t-il.

Si le débat a le mérite d'exister, les réactions sont souvent houleuses et la violence verbale est régulière. Sur une vidéo circulant sur internet, un imam de Sfax (centre-est) a récemment affirmé lors d'un prêche que si deux hommes étaient déclarés coupables de sodomie, ils devaient être condamnés à mort et exécutés en étant jetés du haut d'un bâtiment puis lapidés.

Devant le Parlement, un élu du parti islamiste Ennahdha, Abdellatif Mekki, a défendu la pénalisation de l'homosexualité en jugeant que l'autorisation de l'association Shams représentait "un danger" pour la paix sociale et "un péché majeur". Les partis dits progressistes se montrent, eux, très frileux sur cette question -quand ils n'y sont pas carrément opposés-, de crainte notamment des retombées dans l'opinion publique.

(Source AFP)

Retrouvez les archives d'Illico / E-llico.com.

Plus 40.000 articles de la rédaction retraçant la vie de la communauté LGBT dans les domaines politique, sociétal, culturel et sanitaire de 2001 à 2022.

Tapez un mot-clé exprimant votre recherche dans le moteur de recherche ci-dessus.