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La pression s'accentue sur le chercheur chinois

Condamné par ses pairs, lâché par son pays: la pression s'est accentuée jeudi sur He Jiankui, le chercheur chinois qui affirme avoir créé les premiers "bébés génétiquement modifiés", Pékin appelant désormais à suspendre ses activités.

E-llico.com / Santé / VIH

La pression s'accentue sur le chercheur chinois
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Mis en ligne le 30/11/2018

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"Cet incident a violé de manière flagrante les lois et réglementations chinoises et a ouvertement dépassé les limites de la morale et de l'éthique auxquelles adhère la communauté universitaire", a déclaré à la télévision d'Etat CCTV le vice-ministre chinois des Sciences et Technologies, Xu Nanping. "C'est choquant et inacceptable. Nous affichons notre ferme opposition", a-t-il souligné, en réclamant "la suspension les activités scientifiques des personnes impliquées".

Le chercheur He Jiankui a annoncé le weekend dernier la naissance "il y a quelques semaines" de deux jumelles, surnommées "Lulu" et "Nana". Leur ADN aurait été modifié pour les rendre résistantes au virus du sida, dont est infecté leur père. Il s'agirait d'une avancée majeure et d'une première mondiale.

L'annonce du scientifique a cependant provoqué un tollé, pour des raisons scientifiques autant qu'éthiques. La Commission nationale chinoise de la Santé, qui a rang de ministère, enquête actuellement sur l'affaire. Des experts du génome réunis en colloque à Hong Kong ont par ailleurs condamné en bloc, jeudi, la démarche "irresponsable" de He Jiankui. Le chercheur a fait l'impasse sur le dernier jour de ce sommet, où il était pourtant attendu.

Une nouvelle grossesse?

Dans un communiqué, ces scientifiques ont aussi recommandé "une évaluation indépendante pour (...) établir si les modifications d'ADN prétendues ont eu lieu". Venu devant un amphithéâtre bondé, He Jiankui s'était dit la veille "fier" d'avoir permis la naissance des deux filles. Le chercheur basé à Shenzhen (sud de la Chine) avait cependant annoncé la suspension de ses essais en raison du tollé.

Il était censé venir s'exprimer à nouveau jeudi devant le second Sommet international sur l'édition du génome, un rendez-vous théoriquement très confidentiel auquel l'annonce de M. He a donné une publicité mondiale. Mais il ne figurait plus jeudi matin au programme officiel et le président du comité d'organisation, le prix Nobel David Baltimore, a affirmé aux journalistes que c'était bien He Jiankui qui avait annulé sa venue, et non les organisateurs.

Le chercheur a affirmé que huit couples - tous composés d'un père séropositif et d'une mère séronégative - s'étaient portés volontaires pour l'essai, précisant que l'un d'eux s'était rétracté. Il a fait état d'une "autre grossesse potentielle" impliquant un deuxième couple, en demeurant flou sur le fait de savoir si cette grossesse serait toujours en cours, ou alors se serait soldée par une fausse couche.

He Jiankui, qui a été formé à Stanford aux Etats-Unis, affirme avoir employé l'outil CRISPR-Cas9, dit des "ciseaux génétiques", qui permet d'enlever et de remplacer des parties indésirables du génome, comme on corrige une faute de frappe sur ordinateur.

Fous

Les jumelles sont selon lui nées après une fécondation in vitro, à partir d'embryons modifiés avant leur implantation dans l'utérus de la mère. Cette technique ouvre des perspectives dans le domaine des maladies héréditaires. Mais elle est extrêmement controversée, notamment parce que les modifications réalisées seraient transmises aux générations futures, et qu'elles pourraient au final affecter l'ensemble du patrimoine génétique.

Dans leur communiqué, les organisateurs du sommet estiment que les modifications du génome de cellules germinales pourraient être "acceptables" à l'avenir si elles respectent des critères rigoureux, notamment "une supervision indépendante stricte". Ils expliquent cependant que les incertitudes scientifiques et techniques sont trop nombreuses "et les risques trop grands" pour envisager des essais cliniques "à ce stade".

Des médias hongkongais ont rapporté jeudi que le fondateur d'une association basée à Pékin et venant en aide aux séropositifs regrettait d'avoir présenté des familles aux chercheurs du laboratoire de M. He. "Au début, nous ne comprenions pas ce qu'ils étaient réellement en train de faire", a déclaré à RTHK ce fondateur, Bai Hua, qui a dit avoir présenté une cinquantaine de familles au chercheur chinois. "Maintenant, mon sentiment personnel est qu'ils sont un peu fous."

(Source AFP)

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