Les thérapies de conversion, une pratique secrète et mal identifiée en France - Orientation sexuelle

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Les thérapies de conversion, une pratique secrète et mal identifiée en France

Les thérapies de conversion ou cérémonies religieuses qui prétendent "soigner" et changer l'orientation sexuelle d'une personne s'implantent en France mais restent souvent secrètes et mal identifiées alors qu'une loi pour les interdire est en préparation.

E-llico.com / Actus

Les thérapies de conversion, une pratique secrète et mal identifiée en France
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Mis en ligne le 08/10/2019

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Thérapies de conversion

Lorsque la mère de Kailey Rise surprend son fils en train d'embrasser un garçon, cette femme très croyante se tourne vers sa paroisse. Pour le garçon de sept ans, c'est le début d'une longue série de prières au sein de l'église évangélique que fréquente sa famille en région parisienne, destinées à le "guérir" de son homosexualité.

Elles se sont déroulées pendant plusieurs années jusqu'à la "dernière prière de délivrance", lorsqu'il avait onze ans et qui l'a profondément choqué : "Le prêtre m'a mis tout nu, a commencé à prier pour moi et m'a jeté du sel dessus". "Je me suis dit que pour faire cesser tout ça, il fallait que je rentre dans leur jeu donc j'ai mimé des convulsions. Pour eux, c'est comme si 'le démon de l'homosexualité' était sorti de mon corps", raconte le jeune homme aujourd'hui âgé de 24 ans, qui a souffert de dépression et a fini par prendre ses distances avec sa famille.

Combien de jeunes comme Kailey Rise ont subi ces thérapies? Difficile à dire d'après les associations. Contrairement aux Etats-Unis où des institutions sont connues pour leurs thérapies de conversion, les pratiques sont plus diverses et cachées dans l'Hexagone et les victimes moins visibles. "On a une difficulté à avoir une vision de la situation et des témoignages", explique-t-on chez David et Jonathan, association LGBT chrétienne.

Véronique Lesage, en charge des écoutes au sein de l'association Le Refuge, qui accueille des jeunes personnes LGBT rejetées par leur famille, estime qu'elle reçoit environ trois appels par mois de personnes qui sont confrontées à une forme de thérapie de conversion: menaces d'internement psychiatrique, exorcisme voire mariage forcé avec une personne du sexe opposé.

Dans "Dieu est amour", un livre à paraître mercredi aux éditions Flammarion sur les thérapies de conversion, deux journalistes décrivent des groupes de parole, séminaires ou thérapies individuelles, qui ont lieu en France, principalement organisés par les associations Torrents de vie et Courage et dont le but est de convaincre les participants qu'il est possible de se convertir à l'hétérosexualité ou d'encourager l'abstinence sexuelle.

Proposition de loi en préparation

Même si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a rayé l'homosexualité de la liste des maladies mentales en 1990, le "point commun" de ces structures "est d'envisager l'homosexualité comme une déviance psychospirituelle, que l'on pourrait supprimer ou du moins réprimer par toute une palette de méthodes - la parole, la prière, l'exorcisme", écrivent les journalistes.

Ces pratiques ne se limitent pas au catholicisme et au protestantisme. Des personnes LGBT musulmanes sont soumises à de l'exorcisme, souvent dans les pays d'origine, selon l'association Shams France, qui rassemble des personnes LGBT issues du Moyen-Orient et du Maghreb. Du côté du Beit Haverim, association LGBT juive, on explique que s'il n'existe pas de "thérapies de conversion", il arrive que des jeunes LGBT soient envoyés dans des écoles talmudiques pour être "remis dans le droit chemin" à travers l'enseignement religieux.

Face à toutes ces pratiques, la députée LREM Laurence Vanceunebrock-Mialon s'est emparée du sujet. Elle estime avoir désormais "suffisamment de matière pour prouver qu'il y a un sujet en France" et "une population d'homosexuels qui peuvent être la proie de ce genre de pseudo-thérapeutes", tout en considérant que le problème "reste à la marge" et ne concerne pas toutes les personnes LGBT.

Sa proposition de loi qui prévoit 30.000 euros d'amende et 2 ans d'emprisonnement devrait être déposée au printemps 2020. "Est-ce que cette loi va être autre chose qu'une pétition de principe ?", s'interroge Cyrille de Compiègne, chargé de la lutte contre l'homophobie religieuse au sein de David et Jonathan, qui se pose la question des moyens qui seront alloués, notamment pour enquêter.

Pour la députée, au-delà de l'aspect répressif, la loi est importante pour faire comprendre aux citoyens que "le meilleur accompagnement qu'on puisse faire à un jeune homosexuel, c'est de l'aider à s'accepter".

Rédaction avec AFP 


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