Manija, la voix russe féministe et gay-friendly qui choque les conservateurs - Eurovision

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Manija, la voix russe féministe et gay-friendly qui choque les conservateurs

Féministe, défenseuse des minorités et des homosexuels, devenue célèbre sur Instagram, Manija, candidate à l'Eurovision avec un hymne à l'éveil de la femme, a rassemblé un large public acquis à ses causes, défiant le conservatisme russe.

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Manija, la voix russe féministe et gay-friendly qui choque les conservateurs
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Mis en ligne le 24/03/2021

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C'est la surprise générale le 8 mars au soir lorsque la jeune femme de 29 ans est désignée par les téléspectateurs de la chaîne d'Etat Pervyi Kanal pour représenter la Russie au concours musical européen prévu en mai aux Pays-Bas.

Le texte de sa chanson "Femme russe" et le parcours militant de cette réfugiée originaire du Tadjikistan, pays ex-soviétique musulman d'Asie centrale, sont loin des principes véhiculés d'ordinaire par les télévisions publiques. Ce vote pour Manija à la télévision fédérale "déclare la guerre à la xénophobie et à la misogynie russes", s'exclame le journal indépendant Novaïa Gazeta.

Les clichés de la "Femme Russe" 

"Eh bien, la trentaine passée et toujours pas d'enfants? En gros, t'es belle mais trop grosse", dans sa combinaison rouge, Manija scande en rap ces paroles dénonçant les stéréotypes que subissent les femmes. Mélangeant hip hop et motif folklorique russe, cette chanson "vise les préjugés dont j'étais moi-même l'objet", explique cette brune rieuse, recevant l'AFP dans un studio d'enregistrement branché de Moscou.

Il n'en faut guère plus pour susciter l'ire des paternalistes russes qui ont en grippe celle dont la notoriété est née sur les réseaux sociaux, où la jeunesse trouve la liberté d'expression qui manque aux médias traditionnels. Une association de femmes orthodoxes lui reproche ainsi "d'insulter et d'humilier grossièrement les femmes russes" et d'inciter la "haine envers les hommes, qui sape les fondements de la famille traditionnelle".

Le Comité d'enquête russe, puissant organe d'investigations, dit, lui, examiner une requête d'une organisation de vétérans qui dénonce le texte comme incitant à "l'inimitié interethniques". -

Miroir peu flatteur 

"C'est que j'ai mis le doigt sur une plaie avec cette chanson", constate Manija, dont le titre compte sur YouTube 5,3 millions de vues. "Sur scène, je leur ai juste montré un reflet dans le miroir qui ne leur plaît pas", résume-t-elle, un peu amère. Ce n'est pas la première fois que Manija, qui revendique un million de "followers" en ligne, s'attire les foudres des conservateurs. Car l'artiste met au service de son militantisme la notoriété qu'elle a bâtie depuis 2013 exclusivement en ligne, après une expatriation musicale ratée à Londres.

En 2019, Manija lance ainsi une application sous forme de signal d'alarme mettant en relation centres d'assistance et victimes de violences domestiques, fléau que la Russie s'est jusqu'ici gardée de combattre. Elle fait scandale la même année pour avoir participé à une vidéo défendant les droits LGBTQ. Une prise de position qui lui coûte 10.000 abonnés sur Instagram.

Dure à cuire 

Toujours accompagnée de sa mère - sa "gourou" et costumière qu'elle vouvoie à l'ancienne - Manija Sanguine ("pierre tendre" en langues persanes) est forte d'un parcours singulier, et souligne être dure à cuire. Dès sa naissance au Tadjikistan en 1991, elle passe huit jours dans le coma. Puis sa maison est ravagée par un obus lors de la guerre civile qui déchire son pays à la chute de l'URSS.

A partir de 1994, elle vit avec sa famille le quotidien difficile des réfugiés clandestins à Moscou, en plein chaos économique post-soviétique. Elle se souvient qu'une "odeur de peur" domine son enfance d'immigrée. Une expérience qui l'a conduite à devenir en décembre ambassadrice pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Russie, et à collecter par exemple de l'argent pour acheter des cartables à des écoliers de familles d'immigrés à Moscou.

Manija dit avoir "une empathie innée" notamment pour les réfugiés qui vivent, selon elle, en "esclavage légalisé" partout dans le monde. Cette diplômée de psychologie à 20 ans, qui a rêvé de carrière musicale depuis ses 7 ans lorsqu'elle entonnait du Céline Dion, revendique en tout cas aujourd'hui son identité russe et son pays d'accueil comme sa patrie. "Je pense en russe, je dis je t'aime en russe, je veux vivre en Russie, et je veux la même chose pour mes futurs enfants", dit-elle.

Rédaction avec AFP


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