Sex, drugs, clubbing
J'arrête chante Yiss
Rencontre avec Yiss, 26 ans, gay et auteur-compositeur de "J’arrête" dont le clip vidéo drôle et trash vient de sortir sur Internet...(Photo : Philippe Castetbon)
Yiss, ça a une signification ?
C’est un pseudo que j’ai choisi pour sa signification et sa sonorité. Les sons sont importants dans la musique. Yiss, c’est aussi un clin d’œil à mes origines. J’ai été adopté quand j’avais sept ans, je sais simplement que ma mère venait du Maghreb. Et puis Yiss, c’est un mot qui glisse, comme pour faire passer quelque chose qui fait mal. Il y a des messages qui peuvent être difficiles à entendre, il faut que chacun comprenne.
Si je te demandais de choisir 3 mots pour te décrire ?
Provocateur, activiste, écorché vif…
Militant aussi, non ?
Oui et non… J’ai envie de faire changer les choses mais c’est une vision utopiste de croire qu’on peut changer le monde. Si le clip peut faire marrer quelques personnes et leur faire passer un message, ça aura marché…
Ton parcours ?
J’ai découvert la musique très tôt : mon grand-père me donnait des cours de piano. Je jouais à l’oreille, je me suis débarrassé du solfège pour apprivoiser le piano comme un ami. A dix ans, je faisais mes propres compos. A 17-18 ans, mon meilleur ami qui est chanteur compositeur a écouté mes chansons composées sur un petit synthétiseur. Il m’a dit : " ce sont de vraies chansons, fais-en quelque chose ! ". Du coup, je me suis endetté à vie en achetant un synthé puis un arrangeur ! Mais je manquais de confiance en moi, je ne pensais pas devenir artiste. J’ai fait des études de journalisme, c’est le métier que j’exerce aujourd’hui, et à côté j’ai continué à créer…
Comment t’es venue l’idée de cette chanson ?
J’ai eu l’idée de cette chanson un soir, dans un club. Il y a différentes populations qui se côtoient, il y a des gens qui s’amusent et d’autres qui sont assis et qui se font chier ! Parmi ceux qui s’éclatent, il y en a pour qui c’est " naturel ". Et pour les autres, je dirai 70% des clubbers, c’est artificiel.
Artificiel, c'est-à-dire qu’ils sont sous drogue ?
Oui, sans drogue, le clubbing n’existe pas. Dans les soirées, les gens sont surexcités, ils tombent par terre… Tu ne peux pas faire de vraies rencontres. Les nouvelles drogues pourrissent et en même temps alimentent le clubbing. Avec le GHB par exemple, que les gays utilisent de plus en plus, tu n’as plus aucun lien social. Cette chanson est un compte-rendu sans jugement sur la drogue.
Tu es toi-même consommateur ?
Je ne me serais pas permis de faire cette chanson si je ne connaissais pas le sujet. Je ne vais pas dire que je n’en prends plus mais je me suis énormément calmé. C’est possible d’avoir une vie normale et de gérer la drogue, comme sa consommation d’alcool. À un moment, j’étais dans l’excès. Je n’ai pas eu le côté raisonnable de prendre certaines drogues de manière récréative. Maintenant, c’est un peu différent, j’ai remplacé cette addiction à la drogue par la dépendance à la musique.
Tu as mis du temps à composer " J’arrête " ?
Non, je me suis barré du club, je suis rentré chez moi et je l’ai fait en une nuit. Je ne suis pas un grand auteur et j’ai écrit volontairement cette chanson " en prose ". C’est le discours brut d’un mec défoncé. Sa vision du monde et de l’instant n’est pas la même que celle des autres. Ça n’est peut-être pas joli, mais c’est vrai : ça rassemble à tous les trucs stériles que pourrait te dire un mec défoncé en boîte.
Côté musique, comment décrire le style de ce morceau ?
Je voulais me rapprocher de la musique de clubbing. Même si mes influences c’est aussi bien du Gainsbourg, du Michael Jackson, The Knife, Nino Rota, Bach, de la chanson française, du hip-hop ou encore du Rn’B. J’aime autant Britney Spears qu’Emilie Simon ! J’adore le tempo de « J’arrête » : c’est une chanson en beat sur du 130, tu peux même la remixer en slow ! D’ailleurs un DJ très connu va bientôt la remixer…
C’est une chanson qui peut paraître un peu violente, non ?
C’est vraiment du second degré ! Je voulais souligner le côté pathétique d’un mec qui est défoncé. Tu n’as pas envie de passer la soirée avec un gars comme ça. Il te dit « Tiens, j’ai reçu un texto » et en fait c’est son dealer… Il sort avec sa drogue, pas avec ses amis. La drogue t’apporte quoi en fait ? De la solitude ! J’ai une bonne dose de cynisme en moi : je pointe le doigt où ça fait mal ! Faut réfléchir : ces gens sous drogue qui disent je t’aime à tout le monde, c’est pathétique, non ? Avant, la coke était une drogue " élitiste " : il fallait avoir des thunes pour se payer un gramme. Maintenant, c’est hyper accessible, ça m’effraye cette chute des prix, c’est hyper dangereux. Les drogues devraient être trop chères pour ne pas qu’on les achète…
Tu t’es senti comment quand tu as eu le déclic ?
J’étais en colère contre moi-même. Ma vie d’aujourd’hui est complètement différente d’avant les prises de drogue. Je n’ai plus le même plaisir à me socialiser, à sortir en boîte. Je me fais chier même ! C’est moi le mec assis qui regarde les autres tomber maintenant !
Tu t’adresses aux gays avec ce titre ?
Le clip s’adresse à tous. Dans le clip, il y a des lesbiennes, des hétéros, des transsexuels. L’idée, c’est de représenter tout le monde. C’est peut-être étiqueté gay parce que c’est un milieu que je connais bien. Dans les boîtes où je sors, il y a beaucoup d’homos, de trans. Après c’est évident qu’il ne se passe pas les mêmes choses dans le milieu hétéro et gay. C’est plus dur d’acheter une dose de GHB au Paris Paris qu’au Queen.
Dans ton clip, on voit à l’image quelques figures incontournables du milieu gay ?
Oui, il y a François Sagat, l’icône gay du X et on voit aussi Corrine la performeuse, et Pascale Ourbih, candidate à la tête de liste des Verts pour les municipales 2008 à Paris dans le XVIe arrondissement. Tous les gens présents dans le clip, je les ai croisés à un moment, on a sympathisé, je leur ai parlé du concept et ils ont répondu ok tout de suite. Je voudrais d’ailleurs dire à un grand merci au réalisateur Mercure & Malin et à toute son équipe qui y ont vu l’occasion de se lâcher en créativité plus qu’à l’ordinaire et ont fait un merveilleux travail ! Je tiens également à remercier les Bains Douche qui nous ont prêté les locaux.
Pourquoi faire diffuser ton clip sur le net ?
J’ai été en contact avec un éditeur et les gens qui ont écouté " J’arrête " m’a dit que ce morceau était génial et qu’il avait le potentiel pour fonctionner. Vu le système de l’industrie du disque, le clip est un moyen de me faire connaître avant de passer à la radio. Les gens ne s’attendaient pas à ce clip, ils pensaient me voir tout seul derrière mon piano. J’ai rassemblé tous mes amis, on s’est dit que ça valait le coup d’être fait. Si autant de gens se sont mobilisés, ça va marcher !
Propos recueillis par Emilie Poyard
Voir le clip.
> Internet : le vidéoclip J'arrête de Yiss, censuré par Youtube et Dailymotion
Le clip du jeune auteur-compositeur Yiss, "J'arrête" - qu'E-llico.com a présenté, il y a quelques jours - n'est plus en ligne sur Youtube et Dailymotion... Avec pour thème sexe, drogue et clubbing, il a été censuré par ces sites de partage de vidéo.
Après seulement deux semaines d’hébergement sur Youtube et Dailymotion, le premier vidéoclip du jeune auteur-compositeur gay Yiss n'est plus en ligne. Ni moralisatrice, ni prosélyte, sa chanson intitulée " J’arrête " qui aborde les thèmes de la drogue, du sexe et du clubbing est associée à un clip visionné plus de 3 000 fois depuis Noël.
"Le clip n'est même pas autorisé à être hébergé en "Contenu explicite" et se voit affublé de la mention "Contenu rejeté" habituellement réservée aux images dont les internautes n'ont pas les droits ou qui ne respectent pas les conditions d'utilisation...",, explique Yiss qui se dit "étonné par ce rejet".
Pour illustrer la chanson de Yiss, le réalisateur du clip avait souhaité explorer le coté obscur du clubbing en abordant de manière frontale la consommation de drogues en club. Un tabou apparemment encore très vivace que montrer GHB, ecstasy, héroïne ou cocaïne. Le clip, très sexuel, excluait pourtant toute image pornographique en préférant flouter par exemple, le sexe d’un garçon se masturbant dans les toilettes d’un club.
Alors que Youtube permet de visionner des vidéos pornographiques, racistes, nazies ou homophobes, le clip "J'arrête" qui est une oeuvre artistique, qui, à aucun moment ne montre un sexe non flouté, subit la censure.
"Malgré le message positif de la chanson, on s’y attendait. Les vidéos hébergées concernant les sexualités alternatives sont bien plus surveillées et donc rejetées", confie Yiss.
"J'arrête" est un vidéoclip musical un brin provocateur dans la forme, mais qui dénonce clairement l'illusion des drogues.
Les images montrent des clubbers parisiens pas mal entamés par les drogues avec une esthétique "arty-trash". On y voit gays, transgenres, mais aussi la pornstar François Sagat, dans des scènes sexuelles suggestives, mais jamais explicites ni vulgaires.
Yiss compte bien remettre la vidéo de "J'arrête" en ligne le plus vite possible... par le biais d'autre sites.
Il sera l'invité de l'émission de radio "Zigomatik" sur Triangle FM (98,4 FM, www.trianglefm.net), mercredi 16 janvier, de minuit à 2h du matin, en compagnie de Manuel Mercier, le réalisateur du clip.
myspace.com/yissofficial
Mis en ligne le 15/01/08