Le fait de révéler publiquement son homosexualité, comme l'a fait vendredi dernier le ministre Roger Karoutchi, demeure un acte rare dans la vie politique des grandes démocraties - et particulièrement en France - même si quelques personnalités ont franchi le pas.

En France, le cas le plus célèbre est celui du maire socialiste de Paris Betrand Delanoë, qui avait fait son coming out en novembre 1998, peu avant son départ en campagne. Ce précédent a eu une valeur exemplaire et a contribué à faire entrer dans les moeurs le fait que des élus de haut rang peuvent désormais ouvertement faire état de leur homosexualité sans que cela n'hypothèque leur carrière.

L'attitude de Roger Karoutchi s'inscrit dans le fil de ce précédent connu. Le secrétaire d'Etat est au coeur d'une bataille politique au sein de son camp pour tenter d'emporter l'investiture UMP aux régionales de 2010 en Ile de France. Il a estimé que son homosexualité, connue de ses concurrents mais non publique, pouvait constituer un point faible dans son ambition et a décidé de la révéler de manière très médiatique pour couper court à toute malveillance éventuelle.

Cette révélation, de la part d'un membre en exercice du gouvernement, est une bonne chose. Elle contribuera à jalonner de manière positive l'histoire récente des coming out politiques dans notre pays.

Toutefois, la sortie du placard de Roger Karoutchi n'a pas la même portée que celle du maire de Paris pour une raison essentielle. Le ministre de Nicolas Sarkozy n'a jamais eu et n'a manifestement pas l'intention de donner à son coming out une portée engagée quant aux droits homosexuels.

Au cours de sa déjà longue carrière politique au sein de l'UMP, il n'a jamais oeuvré de près ou de loin en faveur de ces droits.
Membre de la direction du RPR au moment du débat sur le PaCS, il n'a pas cru utile de se distinguer de ses amis politiques quand ceux-ci tenaient des discours profondément homophobes. Depuis qu’il est secrétaire d’Etat, il n’a non plus jugé bon de se démarquer du député UMP Vanneste.
Il a refusé de s'exprimer sur le mariage gay depuis son coming out et se défend d'être un militant "communautariste", selon ses propres termes.

En vérité, il fait état de son homosexualité sous un angle strictement personnel et individuel. A aucun moment, dans ses propos, on ne note la moindre allusion évoquant la condition particulière et souvent discriminée des homosexuels dans la société, fussent-ils ministres.

Roger Karoutchi préfère souligner la bienveillance du président de la République ou du premier ministre à son égard plutôt qu'évoquer les sarcasmes ou les embûches que sa qualité d'homosexuel l'ont amené à rencontrer. C'est son droit, bien entendu, mais cette manière de faire donne à son geste un caractère un rien égoïste et limite la portée de son courage.

Bertrand Delanoë, pour en revenir à lui, a toujours fait le choix engagé de s'exprimer sur toutes les questions ayant trait aux droits et libertés touchant les homosexuels, en France et dans le monde.
Il s'est engagé publiquement en faveur du mariage homosexuel, participe à la marche des fiertés LGBT annuelle, s'est opposé à Christian Vanneste, et a fait progressé la prise en compte de la communauté gay et lesbienne au sein de la collectivité dont il a la charge.

C'est là une façon de donner une portée altruiste et collective à son expérience d'homosexuel engagé qui le distingue de son collègue ministre.
Une différence entre coming out de gauche et coming out de droite, sans doute, la droite privilégiant l'individu, la gauche la collectivité.

Mis en ligne le 28/01/2009