Didier Roth-Bettoni, le directeur artistique du festival, présentent au Internautes d'E-llico les films retenus par la rédaction.

- Vendredi 20 novembre : "Ander"

E-llico.com : On parle d'un "Brokeback mountain" basque à propos de ce film ...

Didier Roth-Bettoni : C’est un raccourci un peu facile. Le rapport, c’est que ça se passe dans la nature. Pour le reste, ni le physique des hommes, ni le déroulé de l’histoire, ni même la tragédie qui sert de moteur à Brokeback ne se retrouvent ici. Ander est bien plus que cela. C’est l’histoire d’un apprivoisement : celui d’un homme par un autre, et celui d’un désir longtemps refoulé et qu’il faut apprendre à accepter. Ce que j’aime beaucoup, c’est le temps que prend Roberto Caston pour faire vivre ses personnages et leur histoire. Ce n’est pas le temps heurté, speedé, ultra-sexué des villes. C’est un temps plus ample, plus grave, plus profond, plus apaisé et apaisant au bout du compte, celui de la nature si rude et si belle où se déroule l’action de son film.

Salle 500 : 19h30

"Lupanar"


E-llico.com : Le festival se dévergonde avec cette carte blanche au Porn Film Festival de Berlin...

Didier Roth-Bettoni : Cette nuit Lupanar ne se limite pas à cette invitation au Porn Film Festival de Berlin. C’est un concept bien plus large qui englobe plusieurs séances pour cinq heures de films et une fête « cul » pour prolonger la nuit. Il y aura donc un programme de courts métrages gay, lesbiens et trans sélectionnés par le Porn de Berlin, un long métrage X lesbien, et un documentaire sur le porno gay français des années 70 avec plein d’extraits de films X dedans… L’idée, ce n’est pas de montrer du porno pour du porno. C’est de proposer différents regards sur les représentations de nos sexualités, que ces représentations ont varié dans le temps et qu’elles ne sont pas les mêmes dans tous les pays. En bonus à ces films, on diffuse aussi cinq courts métrages pornos suédois qui ont pour particularité d’avoir été financés par le gouvernement suédois ! C’est dire si le rapport à la sexualité n’est pas le même partout. Pourtant, partout, elle représente une part importante de nos vies, et les images X sont essentielles dans l’affirmation des identités LGBT ou queer. On avait envie, dans un lieu institutionnel comme le Forum des images, de le rappeler. C’est un acte politique…

A partir de 21h


- Samedi 21 novembre : "An Englisman in New York"E-llico.com : Tout le monde a en tête cette célèbre chanson de Sting et la silhouette de Quentin Crisp, figure haute en couleurs...

Didier Roth-Bettoni : Quel film merveilleux ! Et quel personnage incroyable qui a traversé le siècle dernier sans jamais se renier, sans jamais cacher son homosexualité dans une Angleterre où c’était puni par la loi. Le film raconte les quinze dernières années de sa vie (1978-1993), à New York, où il fait des one man show et où il est une sorte d’icône d’un autre temps, jusqu’à ce qu’il fasse une déclaration sur le sida qui provoque une grosse polémique à laquelle il ne comprend rien. Le film se clôt sur la magnifique chanson de Sting, et le film est vraiment à l’unisson. En plus, Quentin Crisp est interprété par un des plus grands acteurs anglais, John Hurt, qui avait déjà joué son rôle dans un téléfilm en 1975 ! Entre-temps, il a été dans Elephant Man, The Hit, Even Cowgirls Get the Blues, et des dizaines d’autres films. Il est juste extraordinaire dans ce personnage de vieux dandy brillant et acerbe.



Salle 500 : 16h30


"Claudette"

E-llico.com : Qui est cette Claudette, prostituée intersexe engagée ?

Didier Roth-Bettoni : C’est un sacré personnage ! Et on pourra doublement s’en rendre compte car elle sera là pour participer au débat qui suivra la diffusion du documentaire qui lui est consacré. Alors Claudette est suisse, elle a la soixantaine, elle est prostituée, elle fait de la course de vélo, elle a une amie, elle se définit comme hermaphrodite, elle milite pour la reconnaissance des prostitué-es, elle va parler de son métier dans les écoles… Elle a eu un parcours de vie incroyable que le film retrace avec pudeur et finesse, et elle est toujours sur la brèche. Elle ne se contente pas de parler d’elle, elle parle de la condition faite aux prostitué-es et c’est passionnant. On profite donc de ce film pour organiser un débat sur ce thème en lien avec le Strass, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Sexes.

Salle 100 : 18h15


"Straight"

E-llico.com : Cette fiction allemande met en lumière les contradictions culturelles d'un bisexuel Turc, partagé entre deux mondes...

Didier Roth-Bettoni : Au-delà de ses qualités propres, ce film est pour nous l’occasion de nous pencher sur Berlin, ville fantasme pour les gays depuis le début du XXè siècle, et plus encore aujourd’hui, vingt ans après la chute du Mur. Straight est parfait pour cela car il nous montre le visage très moderne, décomplexé, multi-culturel de Berlin, où toutes les communautés (culturelles, religieuses, sexuelles…) se côtoient, se frôlent, se rencontrent, ce qui provoque parfois des troubles. Les personnages de Straight sont d’ailleurs saisis dans ce tourbillon et ce trouble de leurs repères. C’est un film à la fois intelligent et sexy : le jeune Turc est irrésistible. Ce n’est pas le seul moment où Chéries-Chéris célèbre Berlin durant cette semaine. On le fait aussi à travers l’invitation au Porn Film Festival durant notre soirée Lupanar, et aussi en réinvestissant le mythe du cabaret berlinois grâce à Madame H et à son Cabaret-bouffe pour la fête d’ouverture du festival, le dimanche 15 au Divan du Monde.

Salle 100 : 20h15


Dimanche 22 novembre : "Côté garçons"

E-llico.com : Les courts métrages ont toujours beaucoup de succès au festival... Que nous disent ceux que vous avez sélectionné cette année ?

Didier Roth-Bettoni : Il y a huit séances de courts métrages durant le festival, plus de 50 films, de tous les genres, sur tous les tons, venant de tous les coins du monde. Il n’est donc pas facile d’en tirer un enseignement unique. Ce qu’ils nous montrent, c’est l’extraordinaire diversité d’inspiration des jeunes cinéastes. C’est à cela que sert le court métrage : à expérimenter, à oser, à inventer, à bousculer les codes. On a essayé d’organiser tout cela pour faire ressentir des choses aux spectateurs, leur faire prendre conscience d’un certain nombre de réalités ou d’images : la séance Côté garçons par exemple regroupe des comédies et des films doux-amers mais toujours avec une volonté de s’adresser au plus grand nombre. La séance ArtCorps est plus axée sur un cinéma arty, un cinéma de recherche formelle ayant le corps masculin comme objet commun, eXtravaganZa joue plus la carte du queer, des drag kings, de la performance. De son côté, French touch a pour ambition de montrer les jeunes talents du cinéma français quand Vu de Corée, organisé en partenariat avec le Festival Franco-Coréen du Film, veut voir comment l’homosexualité est représentée dans un pays où elle n’a aucune reconnaissance.

Salle 500 : 16h


"15 ans, le bel âge ?"

E-llico.com : Vous programmez ce dimanche plusieurs courts métrages, un débat et un documentaire italien (diffusé le vendredi 20 à 15h) pour illustrer l'un des thèmes de cette édition, l'adolescence des homos...

Didier Roth-Bettoni : Plus que l’adolescence — qui est un sujet passionnant ! — on a voulu se pencher sur les rapports qu’entretiennent des ados gays ou lesbiens et leurs parents. L’idée, c’était de se mettre du côté des parents : comment réagissent-ils à l’annonce de l’homosexualité de leur enfant, quel chemin doivent-ils faire, etc. Le documentaire Due volte genitori est formidable sur ce plan là, il nous fait rencontrer des parents qui ont réussi à dépasser leurs préjugés et à réinventer leur relation avec leurs enfants. C’est passionnant mais un peu lourd. Alors comme support au débat sur ce sujet qu’on organise avec l’association Contact, on a choisi un programme de trois courts métrages très drôles, qui dédramatise cette question sans pour autant évacuer la réalité. Je crois que c’est un thème très important, et que le cinéma a un rôle à jouer pour faire évoluer les regards et les mentalités. En tout cas, Chéries-Chéris est bien décidé à jouer ce rôle cette année !

Salle 100 : 18h15


"I love you Phillip Morris"

E-llico.com : Ce film avec une star à l'affiche a déjà fait parler de lui... par son histoire, "vraie" et aussi car il a eu du mal à trouver à être distribué...

Didier Roth-Bettoni : … et la boucle est bouclée ! En ouverture, on programme un film réalisé clandestinement etdont l’auteur victime de la censure politique chinoise. Et en clôture, on propose une comédie qui a failli être victime de la censure morale et économique américaine ! C’est dire si, au-delà de la réussite de ce film hilarant mené tambour battant par Jim Carrey et Ewan McGregor, l’homosexualité et sa représentation pose encore des problèmes, même dans un pays comme les Etats-Unis. En le diffusant, nous voulons là aussi souligner notre attachament à la liberté d’expression. Nous voulons nous ouvrir vers le grand public qui aime les comédies américaines et qui va se régaler (c’est lui le +++ de notre nouveau nom !). Mais c’est aussi une comédie intelligente qui dit des choses sur l’amour, la prison, la fidélité, le couple. Une manière ludique, joyeuse, conviviale de nous dire à l'année prochaine...



Salle 500 : 20h30

Plus d'infos sur le site du festival : www.ffglp.net.

Forum des images - Forum des Halles,
2 rue du Cinéma, 75001 Paris,
Métro : Les Halles (sortie Place Carrée)

Plein tarif : 8 €
Tarif réduit : 7 €
Film d’ouverture + fête : 10 €
Tarif spécial soirée Lupanar 2 (2 séances) : 10 €
Carte Pass 5 films : 35 €
Carte Pass 10 films : 65 €
Carte Tirelire Forum des images : 6.5 €

Préventes : les places pour le Festival sont en vente sur le site forumdesimages.fr et aux caisses du Forum des images.