l'interview de Philippe Séguin - Municipales à Paris

Municipales à Paris

L'interview de Philippe Séguin

Quartier gay, communauté, sida, PaCS, subventions municipales… Le candidat RPR à la Mairie de Paris détaille son programme en direction des gays et des lesbiennes. On le lira d'autant plus attentivement que c'est une première pour un leader de droite de cette envergure que de s'exprimer dans la presse gay.

E-llico.com / Actus

l'interview de Philippe Séguin
Municipales à Paris

Mis en ligne le 08/01/2010

Tags

Vous menez une campagne de proximité un petit peu partout dans Paris : vous comptez faire la même chose auprès des gays et des lesbiennes ?

Je vais au devant des Parisiens, quels qu’ils soient. Je crois qu’on a un besoin de renouveau de la pratique démocratique, et une des contributions qu’on peut apporter à cet effort c’est de faire en sorte qu’un programme électoral soit un véritable projet élaboré en commun à l’occasion de la campagne électorale. Maintenant, vous posiez un autre problème qui est celui de la spécificité. Moi je suis pour un Paris, pour une cité conviviale c’est-à-dire dans laquelle chacun, quelle que soit sa différence, puisse vivre ensemble. A cet égard, le phénomène de communautarisme, ou pour employer un mot plus fort de ghettoïsation, s’il me paraît une étape probablement inévitable, ne me semble pas la solution idéale définitive. Ce dont je rêve, c’est d’une cité où il n’y a plus, si je suis gentil je dirais de quartiers spécialisés, si je suis méchant je dirais réservés. Qu’il y ait des établissements qui soient spécialisés dans ceci ou cela je n’y vois strictement aucun inconvénient mais l’idée que définitivement on vive dans des quartiers différents selon la différence dont on est porteur — et d’ailleurs la différence par rapport à quoi ? — ça ne me paraît pas l’idéal. Même si je suis réaliste et que je veux bien reconnaître que, dans une société qui n’est pas encore arrivée à la fin du processus d’intégration, je comprends que ça puisse être une étape nécessaire.

Ça veut dire que vous êtes prêt à aller dans les établissements gay, dans
le Marais ?


Dans communauté, il y a à la fois du dangereux et du très bon. Qu’on se retrouve par affinité, quelle qu’elle soit, évidemment c’est bien, c’est souhaitable. Mais qu’en revanche on soit obligé de vivre son affinité quelque part et sous-entendu pas ailleurs, ça ne me paraît bon ni pour ceux qui la vivent ainsi ni pour ceux de l’extérieur pour qui, du coup, la prise de conscience de la mixité et de l’intégration n’est plus que pure forme. Et ce que je dis par exemple au sujet du Marais implicitement, je le dirais également pour Château Rouge, la Goutte d’Or ou d’autres quartiers.

Au-delà du Marais, des structures, des associations répondent à un certain nombre de problèmes, offrent des services…

Mes toutes premières rencontres m’ont conduit vers des associations de lutte contre le sida, de soutien aux malades. C’est dire que cette démarche je la reconnais bien volontiers comme légitime. Cela étant, j’entends traiter les associations de gays et des lesbiennes de la même façon que les autres associations.

Vous êtes prêt par exemple à vous rendre pendant la campagne au Centre Gai et Lesbien ?

Si on m’y invite pourquoi pas. Vous avez sur le bord des lèvres le problème de la subvention. Je vous le redis : la subvention doit être attribuée selon des critères valables pour toutes les associations sans exception. Sur la base d’une utilité collective. Le Mag par exemple, soutien de jeunes en difficultés, etc., sous réserve d’un examen plus poussé, me paraît tout à fait répondre aux critères de l’utilité. Soit dit en passant, j’ai lu que l’un des mes concurrents avait sur la situation actuelle une vue qui était plus optimiste que la réalité parce que contrairement à ce qu’il dit, le Centre Gai et Lesbien n’est pas subventionné par la région, seul le Mag l’est. Il y a suffisamment de fonds dans un budget comme celui de la Ville de Paris affectés aux activités associatives pour que chacun puisse y trouver son bonheur dans la mesure où il peut justifier des activités en question. Et je ne crois pas que le Mag épuise les finances de la région.

Vous dénoncez là la gestion présente ?

En règle général je ne veux rien dénoncer du tout. Mais si ce que je dis pour l’avenir peut apparaître comme une critique en creux du présent, ça ne me gêne pas le moins du monde.

Aujourd’hui il est très difficile pour les associations gay d’obtenir un rendez vous ne serait-ce qu’avec un adjoint voire même d’avoir un interlocuteur. Pensez-vous qu’un médiateur tel qu’il en existe dans d’autres capitales européennes puisse être utile à Paris ?

Quand on dit médiateur, c’est qu’il y a conflit. L’objectif serait qu’il n’y en ait point. Qu’il y ait un correspondant privilégié pourquoi pas. Si j’étais élu, il existerait. Cela dit, l’intitulerais-je médiateur…

Dans l’hypothèse où vous seriez élu maire de Paris, effectueriez-vous un certain nombre de gestes symboliques à l’égard de la communauté, par exemple vous rendre à la Gay Pride ou recevoir les organisateurs de la marche ?

J’ai le sentiment, rien qu’en vous donnant cette interview, de faire un geste, il y en aura d’autres. Sera-ce l’un de ceux que vous avez dit, peut-être. En même temps — c’est peut-être un côté vieille France que vous allez trouver en moi mais enfin il faut bien que je justifie mon statut ! — quand on exerce une responsabilité, manifester... Il y a d’autres moyens. Et puis j’espère, même si les deux phénomènes ne doivent pas être politiquement liés, montrer en particulier dans le domaine de l’assistance aux malades du sida, une détermination politique forte.

De quel ordre ?

De ce côté là, je crois qu’il y a un très très gros travail à accomplir. Je suis très frappé par deux choses : d’abord que le quart des malades en France habite ici, d’autre part par un certain climat de démobilisation au niveau des pouvoirs publics et de ce qu’on peut appeler l’opinion publique. Beaucoup sont tout à fait conscients des difficultés mais tout ce qui a pu être dit en matière de progrès dans la connaissance de la maladie, dans les thérapeutiques, a donné l’impression à l’opinion publique que c’était un problème qui est derrière nous alors que ce n’est évidemment pas le cas. Donc ce que je voudrais, c’est dès mon élection créer une mission permanente de lutte contre le sida et, pour ne pas multiplier les instances, la toxicomanie, qui serait dotée de moyens propres et notamment chargée d’assurer le lien avec les associations. Qui agirait sur la prévention, l’aide aux malades et la coopération avec les capitales étrangères et en particulier les capitales des pays en voie de développement qui sont plus directement affectés par le problème.

Je suis également favorable à titre immédiat de l’ouverture d’un Centre de dépistage anonyme et gratuit qui fonctionnerait 24 h sur 24 de manière à pouvoir orienter le plus vite possible vers des traitements post expositionnels. Et puis je voudrais qu’on négocie avec le Crips, que j’ai également visité, pour l’aider à amplifier le travail remarquable qu’il fait en terme de prévention. Et il y a toute une série d’autres mesures dont, par votre intermédiaire, je dis publiquement ma volonté de les mettre en œuvre, notamment pour ce qui concerne l’accès au logement et l’augmentation des appartements de coordination thérapeutique. Je crois qu’il faut absolument mettre un terme à ce climat, ce sentiment d’abandon que ressentent actuellement les associations qui sont les plus engagées sur le terrain. Je me souviens que Jacques Chirac en 95, avait dit des choses très fortes à ce sujet. Il y a eu un début d’exécution puis après, compte tenu de ce climat que j’ai décrit, il y a eu des hypothèques et des timidités politiques qui doivent être incontestablement surmontées.

Lors du débat sur le PaCS, on vous a relativement peu entendu. D’autre part vous avez voté contre le texte lors des premières lectures mais vous vous êtes abstenu lors de la dernière…

Quand vous êtes président de parti — c’est d’ailleurs pour ça que j’ai quitté ces fonctions — vous êtes tenu de porter du mieux que vous le pouvez l’opinion majoritaire du parti que vous dirigez. A titre personnel, mon opposition au texte m’avait posé d’autant moins de problèmes que c’était un texte dont j’ai pensé que juridiquement il n’était pas très bien fagoté. D’autre part, ma pensée personnelle était qu’il fallait passer par l’adaptation du dispositif du concubinage. Il me semblait à tort ou à raison que les problèmes qui étaient posés en terme de succession, en terme de logement seraient plus aisément et plus simplement réglés. J’ai veillé aussi à ce que s’exprime pour le RPR quelqu’un dont le texte, finalement, supporte sans scandale la relecture — il s’agit de Patrick Devedjian — et à ce que Roselyne Bachelot puisse s’exprimer. Après, on n’est pas maître des dérapages. Parce que finalement ce qui a surtout fait problème aux yeux des gays et des lesbiennes, ce sont les dérapages dans les nuits de séance où on se met à raconter n’importe quoi. Cela étant, à toute chose malheur est bon. Quand vous faites le bilan de tout ce qui a entouré ce débat et que vous regardez la situation de l’opinion aujourd’hui, de l’opinion politique institutionnelle y compris à droite, et l’opinion d’il y a deux ans, vous vous rendez compte qu’il y a eu une évolution forte. Et les excès ont certainement joué, y compris du côté de ceux qui finalement se sont pour la plupart excusés.

Et ont conduit au dépôt de propositions de lois visant à lutter contre l’homophobie. Seriez-vous prêt à voter un tel texte ?

Ça ne me gênerait absolument pas de voter un texte de ce type. Sous réserve d’une application intelligente. Mais sur le principe je suis tout à fait pour.

Après un an d'application, comment jugez-vous le PaCS ? C’est un succès ?

Oui. Un succès avec des problèmes juridiques non négligeables. Maintenant il faut faire avec. C’est la loi de la République. J’imagine qu’on trouvera des occasions pour l’améliorer sur le plan juridique.

Finalement, est-ce que vous ne jugez pas que ce texte avait une vraie utilité, une vraie justification ?

Allez : disons que les deux années qui viennent de s’écouler ont été deux années globalement positives.

Les élus de la majorité parisienne n’ont pas été les derniers à déraper…

Ils se sont excusés. Je crois comprendre à qui vous faites allusion (Pierre Lellouche, NDLR). C’est d’autant plus absurde que, dans nos rangs, la proportion de gays et de lesbiennes est à peu près conforme à la moyenne générale, évidemment. Y compris au sein de nos parlementaires.

Donc vous le regrettez pour eux ?

Ce sont des propos d’après boire.

Qu'avez-vous pensé du come out de Bertrand Delanoë ?

C’était digne. Digne et probablement méritoire. Il prenait tout de même un risque politique. Il prenait encore un risque politique. A moins qu’il ait su par avance que c’était moi qui allait être candidat contre lui…

Vous voulez dire qu'il n'avait pas à craindre de basses manœuvres de votre part…

Je serais un bien triste sire à mes yeux si je faisais de l’homosexualité d’un de mes concurrents un argument de campagne.

Vous seriez prêt à prendre sur vos listes quelqu’un qui se présenterait ouvertement comme gay ?

Je n’en ferais pas forcément un critère de recrutement, mais ce ne serait certainement pas une hypothèque pour qui que ce soit. Et selon toute vraisemblance, vous en trouverez. Enfin à ma connaissance. Mais je ne dirais pas j’en prends trois pour la communauté…

Propos recueillis par Didier Roth-Bettoni et Gwen Fauchois (2001)

Retrouvez les archives d'Illico / E-llico.com.

Plus 40.000 articles de la rédaction retraçant la vie de la communauté LGBT dans les domaines politique, sociétal, culturel et sanitaire de 2001 à 2022.

Tapez un mot-clé exprimant votre recherche dans le moteur de recherche ci-dessus.