
Décès
Marie-France Pisier, une présence singulière du cinéma français
Marie-France Pisier, morte dans le nuit de samedi à dimanche, a marqué le cinéma français de son élégance, sa voix et son ton si singuliers et une "distance étrange" qu'elle a donné à voir dans des films d'auteur et d'autres, plus populaires.
E-llico.com / Culture / Médias
Marie-France Pisier, une présence singulière du cinéma français
Décès
Mis en ligne le 26/04/2011
Tags
C'est François Truffaut qui repère la jeune fille de 17 ans lors d'essais pour le rôle de Colette, premier amour d'Antoine Doinel incarné par Jean-Pierre Léaud, dans "L'Amour à vingt ans" (1961).
Née le 10 mai 1944 au Vietnam - son père était un administrateur colonial en Outre-Mer -, Marie-France Pisier n'avait jamais suivi de cours de théâtre avant de répondre à la petite annonce.
"La raison pour laquelle il m'a prise pour ce rôle, c'est parce que j'étais d'une désinvolture absolue, vis à vis de la caméra, et vis-à-vis de lui", racontera-t-elle plus tard.
Ses yeux pétillants et clairs, sa voix particulière - "ton meilleur atout et ton pire handicap" lui disait Truffaut - et son charme décontracté font mouche auprès de grands noms du cinéma dit "d'auteur".
"Son ton, sa diction, sa distance étrange s'harmonisent avec les univers d'Alain Robbe-Grillet, de Luis Buñuel, de Jacques Rivette puis d'André Téchiné" grâce auquel elle obtiendra un César du meilleur second rôle dans "Barocco" (1976), relevait dimanche le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
Mais c'est son personnage de Ludivine dans la série télévisée "Les Gens de Mogador" (1972) qui la rend populaire auprès du grand public.
A l'étranger, elle rencontre le succès notamment aux Etats-Unis avec la comédie "Cousin, cousine" de Jean-Charles Tacchella (1975) qui lui procure également un César du meilleur second rôle.
En 1979, elle retrouve Truffaut et le rôle de Colette dans "L'Amour en fuite", pour lequel elle est co-scénariste, puis jouera dans des films beaucoup plus populaires comme "L'As des as" en 1982, aux côtés de Jean-Paul Belmondo.
Mais Marie-France Pisier, c'est aussi "l'intellectuelle". Titulaire d'une licence en droit public et d'un diplôme en Sciences politiques, elle a poursuivi ses études en dépit de sa carrière qui démarrait, sur injonction de sa mère.
"Il faut un bagage!", lui martèle cette dernière, après un divorce difficile qui l'amène à élever trois enfants, passant ainsi des nuits entières à "mettre des timbres sur des enveloppes pour gagner sa vie, pour être libre".
De quoi faire naître une fibre "féministe". "C'est vraiment par le biais du féminisme qui je me suis intéressée au monde et à la société", expliquera Marie-France Pisier. "C'est la première chose qui m'ait fait me révolter".
En 1971, l'actrice signe le "Manifeste des 343 salopes", une pétition de femmes affirmant avoir subi un avortement alors illégal publiée dans l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur.
Engagée, elle avait aidé quelques années plus tôt le leader étudiant Daniel Cohn-Bendit, avec lequel elle s'était fiancé, à revenir d'Allemagne en France les cheveux teints en noir.
Elle fut aussi mariée un temps à l'avocat Georges Kiejman dont elle a eu un fils.
A la fin des années des années 80, l'actrice se fait plus rare sur les écrans pour se lancer dans l'écriture. Elle publie notamment "Le bal du gouverneur" (1984), oeuvre largement autobiographique qui se déroule en Nouvelle-Calédonie où elle a passé son enfance.
Elle en fera son premier film en 1990, et poursuivra son récit dans son deuxième long métrage, "Comme un avion" (2002), où elle évoque le suicide de ses parents. "Un bide effroyable, très douloureux, mais je n'aurais pas pu ne pas le tourner".
Parallèlement à un passage par le théâtre dans les années 90, Marie-France Pisier avait rejoint une nouvelle génération de cinéastes comme Maiwenn Le Besco ou Laurence Ferreira Barbosa. On la voit également dans "Pourquoi pas moi?", comédie sur le coming-out de Stéphane Giusti sorti en 1999 ou à l'affiche de "Dans Paris" de Christophe Honoré en 2006. Son dernier film est la comédie "Il reste du jambon?" en 2010.
> Hommage de Bertrand Delanoë
Bertrand Delanoë, maire PS de Paris arendu hommage à l'actrice disparue dabs un communiqué. "Avec elle disparaît une figure éminente, et profondément attachante, du cinéma français. Marie-France Pisier restera d'abord, dans l'esprit de tous, la Colette des films de François Truffaut, et elle gardera toujours, dans notre mémoire collective, l'insolence, le charme et la légèreté de cette jeune fille des années 60 (...) Son jeu particulièrement subtil, sa voix inimitable, son ingénuité étudiée laisseront une trace singulière et ineffaçable dans l'histoire de notre cinéma (...) Au nom de Paris et en mon nom personnel, j'assure la famille et les proches de Marie-France Pisier de ma sympathie et de ma solidarité".
Source : AFP