"Le corps découvert", qui se tient jusqu'au 15 juillet, présente 200 oeuvres de soixante-dix artistes - dont beaucoup de femmes - qui ont travaillé sur le thème du corps depuis le XIXè siècle jusqu'à aujourd'hui.

"Nous ne nous attendions pas à trouver une iconographie aussi riche et diversifiée. Nous avons été surpris que tant d'artistes arabes traitent de cette question", déclare Philippe Cardinal, directeur de la communication de l'Ima et co-commissaire de l'exposition.

"Lorsqu'il y a des interdits sociaux, le rôle des artistes est de faire craquer les coutures. Ils sont les premiers à se rebeller contre la censure", ajoute-t-il.

L'exposition veut "remettre en cause les clichés ordinairement associés au monde arabe qui réduisent celui-ci à la seule image du fanatisme religieux", explique Renaud Muselier, président du Haut Conseil de l'Ima, dans la préface du catalogue édité chez Hazan.

"Elle se veut au contraire l'écho de la réalité d'une scène artistique arabe qui, malgré le conservatisme ambiant, existe, ose s'affranchir des tabous, et réussit bel et bien à s'imposer sur le marché mondial de l'art contemporain", écrit Renaud Muselier.

L'exposition, conçue par Philippe Cardinal et l'Egyptienne Hoda Makram-Ebied, chargée des collections contemporaines à l'Ima, ne cherche pas pour autant à provoquer. Le visuel choisi pour l'affiche et l'invitation est subtil: il représente un dos nu féminin, qui laisse voir la naissance de la raie des fesses. Réalisé en 1973 et intitulé "Self portrait 1", il s'agit d'une oeuvre d'Huguette Caland, artiste née en 1931.

Fille du premier président de la République libanaise, Huguette Caland, installée en Californie, présente également un mannequin féminin nu, la tête voilée mais le corps entièrement tatoué (2010).

"Objet sexuel"

Le thème de l'identité féminine est très présent. Plusieurs artistes rejettent la tyrannie des stéréotypes autour de la femme, en Orient comme en Occident, relève Hoda Makram-Ebied.

Fatima Mazmouz, née au Maroc en 1974 et installée en région parisienne, présente une vidéo de 2009 où une femme enceinte se lance dans une danse du ventre.

Née en Egypte en 1963, Ghada Amer, qui vit à New York, brode des fils colorés sur des toiles qui semblent former de loin des dessins abstraits alors qu'en réalité ils s'inspirent d'images provenant de magazines pornographiques. Une façon pour elle de poser la question de la soumission féminine.

Laila Muraywid, née en 1956 en Syrie et installée à Paris, présente "Un doux cercueil de chair" (2011). Cette sculpture dérangeante entend dénoncer "l'utilisation de la femme comme objet sexuel", explique l'artiste. Elle est exposée dans une salle réservée au public adulte.

L'homosexualité, condamnée dans les pays arabes, est abordée discrètement dans l'exposition. George Awde, né aux Etats-Unis mais d'origine libanaise, présente des photographies de jeunes hommes à Beyrouth emplies de tendresse (photo).

La violence infligée au corps est également l'un des thèmes forts de l'exposition. Adel Abidin, artiste irakien exilé en Scandinavie, livre une vidéo saisissante où une femme, meurtrie, sert de filet de ping-pong à deux hommes en plein match. "Une métaphore du peuple irakien pris dans la tourmente de la guerre", selon Hoda Makram-Ebied.

(Source AFP)