Little Joe, New York 1968
Les junkies et prostitués de la Warhol Factory mis à nus sur scène
Mettre à nu sur scène les junkies et prostitués du New York de 1968, sans apologie ni condamnation: c'est le pari d'une pièce créée mercredi à Strasbourg, adaptée de la trilogie de films à scandale Flesh/Trash/Heat produite par Andy Warhol à la fin des années 1960.
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Les junkies et prostitués de la Warhol Factory mis à nus sur scène
Little Joe, New York 1968
Mis en ligne le 14/11/2013
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"Little Joe, New York 1968", du metteur en scène Pierre Maillet, est une galerie de portraits de marginaux tout droit sortis du monde interlope de prostitués, travestis et drogués qui gravitaient alors autour de la célèbre "Factory", le loft new-yorkais du pape du Pop Art.
Après le théâtre strasbourgeois du Maillon, la pièce doit tourner prochainement à Saint-Etienne, Paris, Nîmes, et Douai.
Les films, réalisés par le cinéaste Paul Morissey dans l'ombre d'Andy Warhol, avaient fait scandale à l'époque. Certains pays les avaient classés X, du fait de la crudité de certaines scènes. "C'était la première fois qu'on montrait des hommes nus, dans un film qui n'était pas limité à la communauté gay", relève Pierre Maillet. Et la première fois aussi qu'un film grand public mettait en scène des travestis.
Habitué des adaptations de cinéma au théâtre - il a déjà signé plusieurs adaptations théâtrales des films du cinéaste allemand Fassbinder - Pierre Maillet s'intéresse moins au scandale qu'au "regard humain, drôle, que Morissey pose sur la marginalité", à travers ces portraits, celui d'un père de famille qui se prostitue pour payer l'avortement de l'amie de sa femme (Flesh), et celui d'un junkie en quête de drogue (Trash).
La nudité comme évidence
Il a choisi d'entrelacer dans une première partie les destins des deux Joe, le prostitué de "Flesh" et le drogué de "Trash". Le dernier volet ("Heat", dont l'action se situe parmi les recalés de Hollywood à Los Angeles) fera l'objet d'une pièce à part qui sera créée l'an prochain.
Avec une mise en scène très graphique, mêlant projections vidéo et tableaux sur différents niveaux, la pièce est truffée de références à l'univers psychédélique du Velvet Underground. Servie par des dialogues à l'humour mordant et des acteurs très en verve, elle fait revivre l'utopie joyeuse et insouciante de l'ère de l'avant-sida, qui commence toutefois à se déliter sous l'effet dévastateur de la dépendance aux drogues dures.
Pierre Maillet fait le choix, à l'instar de Paul Morissey, de faire évoluer ses acteurs dans le plus simple appareil sans en faire grand cas, dès le départ de la pièce, pour que leur nudité devienne aux yeux du spectateur "une évidence, simple et naturelle".
"Il s'agit de montrer la marginalité en cherchant à éviter l'écueil du misérabilisme et de la provocation", assure le metteur en scène, pour qui la pièce, comme le film, se veut "une porte d'accès à cet univers, qui nous montre des gens qui ne nous sont finalement pas si étrangers que cela", en dépit de leurs choix de vie, délibérément à la marge de la société et à rebours des conventions sociales.
Cherchant à éviter aussi bien la condamnation que l'apologie de leur mode de vie, Pierre Maillet incite le spectateur "à regarder d'une autre façon ce monde" composé d'êtres en quête, à leur manière, d'une place dans la société.
(Source AFP)