Cinéma
Les vampires sophistiqués de Jarmusch dans Only lovers left alive
"Only lovers left alive", du cinéaste américain indépendant Jim Jarmusch, raconte l'histoire d'amour entre Adam et Eve version vampires sophistiqués, observateurs désabusés d'une humanité irresponsable, dans un film à l'esthétique et à la bande-son recherchées.
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Les vampires sophistiqués de Jarmusch dans Only lovers left alive
Cinéma
Mis en ligne le 14/02/2014
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Comme souvent dans son oeuvre, Jarmusch détourne les codes: ceux du western, dans "Dead man", puis des samouraïs, dans "Ghost dog", avant de s'attaquer au film de vampires. Ces créatures légendaires sont décidément en vogue, entre "Twilight", au cinéma, ou "True Blood", à la télévision.
"J'ai entendu qu'on gagnait beaucoup d'argent avec ce genre de film", plaisantait en mai dernier devant les journalistes le réalisateur branché américain dont le film était présenté en compétition au Festival de Cannes.
Adam (Tom Hiddleston, impeccable), musicien underground déprimé, et Eve (Tilda Swinton, lumineuse) vampire érudit et ultra stylé, vivent depuis plusieurs siècles une histoire d'amour. Leur idylle est bientôt perturbée par l'arrivée de la petite soeur d'Eve, Ava (Mia Wasikowska), extravagante et écervelée.
De plus, il est compliqué d'être vampire au XXIe siècle: l'époque n'est plus à planter ses crocs dans le cou des humains car leur sang peut être contaminé. Pour survivre, les vampires doivent "s'abreuver à la source", comme le dit Adam dans le film. Et quoi de mieux qu'un hôpital pour être sûr que le sang qui les fait vivre est pur et non contaminé, par le sida par exemple.
Le cinéaste promène ses héros, des êtres en marge menant une vie de bohême, entre Tanger et Detroit, deux villes à l'esthétique forte et "qui m'attirent personnellement sur le plan émotionnel", racontait encore le réalisateur qui a grandi près de Cleveland, non loin de Detroit. C'était à l'époque une "ville mystérieusement magique, une sorte de Paris du Midwest", a ajouté Jarmusch.
Sept ans pour réaliser ce projet Fan de rock et membre du groupe Sqürl, il a raconté récemment à Télérama que la musique était "la source" de ses films. "Les disques que j'écoute avant d'écrire un scénario font naître mes idées". Quitte à remettre au goût du jour des chansons peu connues comme ici "Funnel of love", chantée par Wanda Jackson, "une des premières femmes à chanter le rock'n'roll", relevait-il.
Pourquoi sinon cette fascination des humains pour les vampires? Selon Tilda Swinton, c'est "peut-être parce qu'ils ont des vies très longues tandis que nous sommes terrorisés par notre propre mortalité. Nous préférons penser à l'immortalité".
Parabole drôle et désabusée sur le monde actuel qui massacre la planète, le film tente de comprendre aussi comment ce couple en marge a pu rester amoureux depuis quatre ou cinq siècles. Le public dans la salle rit beaucoup face aux multiples citations d'auteurs comme Shakespeare, Byron, Mary Wollstonecraft ou Einstein. Plus terre à terre, Jarmusch a expliqué que ce projet avait mis sept ans à se réaliser car "personne ne voulait nous donner de l'argent".
"Cela devient de toute façon de plus en plus difficile aujourd'hui de faire des films que je qualifierais d'inhabituels ou imprévisibles", jugeait encore le cinéaste. Jarmusch, reparti bredouille en mai dernier de Cannes, a plusieurs fois été récompensé dans le passé par le Festival.
Caméra d'or en 1984, pour "Stranger than paradise", prix qui récompense un premier film, il a obtenu cinq ans plus tard celui de la meilleure contribution artistique pour "Mystery train" et enfin le Grand prix, en 2005, pour "Broken Flowers". Tilda Swinton, qui vient de présenter à Berlin "The grand Budapest hotel", de l'Américain Wes Anderson, en est à sa troisième collaboration avec Jarmusch.
(Source AFP)