Anne Sylvestre
On ne peut pas changer les choses avec une chanson, mais on peut faire prendre un peu conscience
Anne Sylvestre fête ses 80 ans en faisant son retour dans deux festivals emblématiques de la chanson française, le Printemps de Bourges et les Francofolies. Mais nulle trace de "nostalgie" chez celle dont la force de caractère est intacte, dit-elle.
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On ne peut pas changer les choses avec une chanson, mais on peut faire prendre un peu conscience
Anne Sylvestre
Mis en ligne le 28/04/2014
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Anne Sylvestre était présente dès la deuxième édition du Printemps de Bourges, en 1978. Le festival venait d'être créé pour donner une tribune à l'"autre" chanson française, celle des Jacques Higelin et Bernard Lavilliers qui n'avaient pas accès alors à la radio et à la télévision.
Depuis plusieurs années, les passionnés attachés à l'âme du Printemps réclamaient son retour. Au point que son concert a été le premier à afficher complet de cette 38e édition, avec celui de Stromae.
"Oui, mais ce n'est pas la même taille de salle!", dit-elle sans ambage, tout comme elle balaie tout sentimentalisme à l'idée de fêter ses 80 ans, le 20 juin sur scène.
"Du moment que moi je n'ai pas envie d'être nostagique, je ne laisse pas trop la place aux spectateurs pour l'être. Je ne vais pas forcément toujours chanter LA chanson qu'ils attendent. Je chante ce que j'ai envie de chanter", lance-t-elle.
Chanter "ce qu'elle a envie de chanter", c'est ce qu'elle a toujours fait, avec la force de caractère qui la caractérise.
"Faire prendre un peu conscience"
Parallèlement à ses "fabulettes" qui ont bercé des générations d'enfants, elle écrivait "Non, tu n'as pas de nom", sur l'avortement, deux ans avant la loi Veil, chantait "Mon mari est parti", sur la guerre, alors que la France ne parlait encore que d'"événements" en Algérie.
En 2007, elle signait encore un "Gay, marions-nous!".
"Je n'ai pas souvent eu peur, quand j'ai eu envie de parler de quelque chose, j'en parlais", affirme-t-elle, quand on lui fait remarquer que nombre d'artistes préfèrent aujourd'hui rester à l'écart des sujets polémiques.
"Je ne vais pas passer ma vie à parler de mon nombril! Je parle des gens, c'est comme ça. J'écris sur la vie. Quelque chose me parle et je fais une chanson avec", explique-t-elle.
"On ne peut pas changer les choses, mais on peut faire prendre un peu conscience. Une chanson comme 'Xavier' (sur un petit garçon à qui on interdit de langer son nounours par peur qu'il devienne homosexuel, ndlr) fait rire les gens, mais du coup les fait réfléchir", estime-t-elle.
Son dernier album, paru en 2013, s'intitule "Juste une femme". Elle y décrit un "petit monsieur, p'tit costard, p'tite bedaine" avec "saleté dans l'oeil" qui évoque un ancien directeur du FMI.
"Je suis une femme donc je parle des femmes", explique Anne Sylvestre qui juge "idiote" l'attitude de celles qui récusent le terme "féministe".
"On me dit 'quoi, vous êtes encore féministe? Ce n'est plus la peine!'. Hier, j'écoutais la radio: aux infos, il y avait l'histoire de cette femme qui disait s'être fait violer par quatre policiers et celle d'une autre qui s'était fait agresser sexuellement dans un train sans que personne ne dise rien", raconte-t-elle.
"C'est Cro-Magnon. On continue de considérer les femmes comme des prises de guerre et on ne devrait rien dire? Je ne suis pas d'accord".
Anne Sylvestre a été l'une des premières femmes de la chanson française à écrire ses propres textes.
"Aujourd'hui, il y en a beaucoup, comme Agnès Bihl, Amélie-les-Crayons, Jeanne Cherhal. Heureusement! Mais je voudrais qu'il y en ait plus", dit-elle.
"J'ai peut-être un peu ouvert des portes pour elles. En tout cas, elles en ont eu conscience et ça m'a donné le courage de continuer", ajoute-t-elle.
(Source AFP)