L'ascension d'un admirateur de la dictature militaire, sexiste et homophobe - Brésil

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L'ascension d'un admirateur de la dictature militaire, sexiste et homophobe

La popularité croissante de Jair Bolsonaro, un député brésilien admirateur de la dictature militaire, sexiste et homophobe, illustre la montée du péril populiste qu'affronte le Brésil en pleine impasse politique.

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L'ascension d'un admirateur de la dictature militaire, sexiste et homophobe
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Mis en ligne le 20/04/2016

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C'était dimanche, devant des millions de téléspectateurs, lors du vote des députés ayant approuvé la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff, ratifiée à une large majorité. "Ils (la gauche) ont perdu en 1964, ils perdent maintenant en 2016", a lancé Bolsonaro en dédiant son vote "à la mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, la terreur de Dilma Rousseff".

Ustra, militaire décédé en 2015, fut le très redouté chef de la police politique durant la dictature, responsable de 60 morts ou disparitions d'opposants au régime, et fortement soupçonné de centaines d'autres. La déclaration était délibérément cruelle à l'endroit de Dilma Rousseff: jeune guérillera marxiste dans les années 1970, elle avait été emprisonnée et torturée.

Invitée mardi à réagir lors d'une conférence de presse avec des journalistes étrangers à Brasilia, la chef de l'Etat a estimé qu'il était "lamentable de voir quelqu'un voter en rendant hommage au plus grand tortionnaire que le Brésil ait connu". "J'ai bien connu ce monsieur auquel il (Bolsonaro) se réfère", a-t-elle ajouté. "C'était le plus grand tortionnaire de l'époque".

Sexiste, homophobe, et bien élu

Dans un pays où la chef de l'exécutif se dit victime d'un "coup d'Etat" institutionnel, où le vice-président Michel Temer qui pourrait la remplacer est tout autant impopulaire, et où 60% des députés sont dans le collimateur de la justice pour des affaires de corruption, cette harangue d'extrême droite a déchaîné les réseaux sociaux. Une pétition y réclame des poursuites judiciaires contre Bolsonaro pour "apologie de la torture".

Il demeure un élu marginal. La plupart des Brésiliens ont tourné le dos à l'époque de la dictature militaire, et une majorité d'entre eux ont voté quatre fois de suite pour le Parti des travailleurs (PT, gauche), portant au pouvoir Luiz Inacio Lula da Silva puis sa dauphine Dilma Rousseff.

Beaucoup de Brésiliens ne goûtent pas davantage les sorties sexistes de Bolsonaro (61 ans) contre une parlementaire du PT, Maria do Rosario. En 2003, il l'avait traité de "salope" en hurlant, et en 2015, il lui avait lancé: "Je ne te violerais pas. Tu ne le mérites pas". Il a aussi déjà dit qu'il préférerait que son fils meure dans un accident plutôt que de le savoir homosexuel.

Des idées qui lui ont attiré des inimitiés au parlement: dimanche, le député d'extrême gauche Jean Wyllys lui a craché au visage après s'être élevé contre "les tortionnaires lâches" qui veulent évincer Dilma Rousseff.

Malgré tout, ce député du Parti progressiste (PP), au nom en l'occurrence trompeur, parvient à séduire. En 2014, Bolsonaro a été le député régional le mieux élu de l'Etat de Rio de Janeiro, avec 464.000 voix.

Plus dangereux que Trump

Au point d'être perçu comme possible candidat à l'élection présidentielle, réceptacle du ressentiment de la population. Un sondage Datafolha du 10 avril lui attribue 8% d'intentions de vote à la présidentielle de 2018, deux fois plus qu'en décembre. Il se trouve actuellement en quatrième position, mais loin devant le vice-président Michel Temer (1 à 2%), censé remplacer Dilma Rousseff si elle était écartée du pouvoir.

"Après ce que nous avons vu ces derniers mois, personne ne peut garantir qu'il ne progresse encore plus. Je ne l'espère pas, car il est encore plus dangereux que Donald Trump", estime Sylvio Costa, du site politique Congresso em Foco. Michael Mohallem, professeur de droit à la prestigieuse Fondation Getulio Vargas, "ne pense pas que beaucoup de gens croient vraiment qu'il puisse devenir président", mais admet que la "folie" actuelle joue en sa faveur.

Treize ans de gouvernement de gauche ont généré une grande frustration dans une frange de l'électorat de droite exaspérée par une classe politique discréditée par les scandales de corruption à répétition.

Bolsonaro est-il une bulle destinée à se dégonfler? "Les positions extrêmes tendent à s'effilocher un peu en cas d'alternance", avance Michael Mohallem. Mais "si les Brésiliens l'élisent, il pourrait être le dernier président élu de manière démocratique au Brésil", prévient Sylvio Costa.

(Source AFP)

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