Théâtre
Josiane Balasko à contre-emploi dans un texte de Simone de Beauvoir
Une "emmerdeuse" - à l'occasion homophobe - qui crie sa rage au monde entier un soir de réveillon: Josiane Balasko campe un personnage à rebours de son image de rigolote, dans "La Femme rompue", un texte étonnant de Simone de Beauvoir (Théâtre des Bouffes du Nord).
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Josiane Balasko à contre-emploi dans un texte de Simone de Beauvoir
Théâtre
Mis en ligne le 09/12/2016
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Pour son premier rôle tragique au théâtre, la comédienne n'a pas choisi la facilité: elle va passer 1h10 allongée sur un divan aussi étroit que celui d'un psy, se tournant et se retournant en vitupérant le monde entier.
"C'est grossier, c'est violent, quand je lisais le texte je me disais: 'mais cette femme est un monstre'", confie la comédienne.
Elle se glisse pourtant avec un formidable naturel dans ce rôle que lui a proposé l'actrice et réalisatrice Hélène Fillières. Celle-ci a tout de suite pensé à elle pour ce texte cru écrit par Beauvoir en 1967, parce qu'elle est "une actrice rugueuse", comme ce personnage peu aimable, à l'occasion raciste et homophobe, à l'opposé de ses propres engagements.
"C'est justement ça qui est intéressant", lance Josiane Balasko. "Ce n'est pas moi, Dieu merci! C'est bien de jouer des personnages dans lesquels vous pouvez mettre votre énergie et qui ne vous ressemblent pas". Le texte débute par "Les cons!": ce sont les voisins du dessus qui font la fête, quand elle se morfond toute seule.
Un premier mari présenté par sa mère, une fille "difficile" qui s'est suicidée cinq ans plus tôt, un second mari qui l'a larguée aussi vite qu'il en était tombé amoureux, et qui lui refuse la garde de son fils: sa vie est un désastre. "Elle est de mauvaise foi, elle a perdu sa fille, elle se sent coupable même si elle rejette la faute sur les autres ... C'est d'abord une femme qui souffre", souligne Josiane Balasko.
Cette femme, à partir du moment où elle la joue, elle "ne la juge pas". Mieux, elle lui insuffle une empathie qui va nous la rendre moins monstrueuse.
Provocation
Balasko n'avait jamais lu Simone de Beauvoir. Le texte l'a estomaquée. "Il y a un jet de rage, de fiel vis-à-vis du monde. Je pense que Beauvoir a voulu parler de la solitude de la femme. Et puis c'est aussi un acte de provocation, parce qu'elle n'emploie que des mots grossiers masculins, très loin du langage de la bourgeoise qu'elle devait être".
A 66 ans, Josiane Balasko a beaucoup fait pour changer le regard de la société sur les femmes, sans pour autant se revendiquer féministe. "J'ai le sentiment d'être une femme qui a envie de défendre les femmes, mais j'ai pas envie qu'on me colle une étiquette!" dit-elle.
"Féministe, dans les années 70 c'était très connoté militant, genre 'on leur coupe les couilles!'" lance-t-elle en riant. "Je pensais qu'il y avait une troisième voie plus cool pour défendre la cause de la femme", dit-elle. "C'est vrai que dans mon travail j'ai beaucoup choisi des thèmes où je posais des questions sur le rôle de la femme, tout en restant dans la comédie."
Dans "Gazon maudit" (1995), elle aborde l'homosexualité féminine. Dans "Cliente" (2008), elle met en scène une femme qui paye des hommes pour satisfaire ses besoins sexuels. Le scénario est d'abord refusé, jugé trop choquant. "J'ai mis cinq ans. Je me suis dit que ça devait être vraiment un bon sujet pour qu'ils n'aient pas envie que je le fasse, alors j'en ai fait un livre qui s'est vendu à 100.000 exemplaires et j'ai trouvé des producteurs".
A 66 ans, elle alterne avec bonheur théâtre et cinéma (elle vient de tourner "Les nouvelles aventures de Cendrillon", une "comédie déjantée" avec sa fille Marilou Berry). Et trouve toujours quelque chose de neuf à expérimenter: "Je n'ai pas l'habitude de faire un spectacle où il y a du silence, d'habitude, les gens rient!"
(Source AFP)