
JD Cadinot
Le pionnier du plaisir
Jean-Daniel Cadinot est, derrière une façade de modestie dont il sait jouer avec un art consommé, un maître. Photographe, cinéaste dans l’âme, ce passionné d’images et de beaux garçons a révolutionné, en France mais aussi à l’étranger, le X gay. Il revient pour nous sur vingt années de carrière, de contestation, de coups de gueule… et d’amour. Rencontre avec un mythe qui a le plus bel âge du monde.Vous fêtez cette année vos vingt ans de carrière. Qu’est-ce qui a changé depuis vos débuts ?
La seule chose qui ait changée, c’est que je suis un peu plus conscient. J’ai fait des films par passion du cinéma. Aujourd’hui, j’ai gardé la passion mais c’est devenu beaucoup plus canalisé, plus maîtrisé. Des classiques comme "Sacré collège" ou "Harem", je les ai faits de façon complètement inconsciente. Maintenant, j’ai du recul.
Votre vision artistique a-t-elle évolué avec les années ?
Il y a eu un changement radical à partir de "Press book". Pendant très longtemps, je faisais des films un peu rétro dans le genre "Les Allumettes suédoises" ou "Au revoir les enfants", très marqué par les années 50 et 60. Mais je ne voulais pas me faire enfermer dans ce style rétro. J’ai donc adopté pour une technique un peu plus "clip", plus contemporaine avec des images plus actuelles. D’où la légende qui court actuellement comme quoi je serais mort depuis cinq ans et que c’est mon assistant qui continue les films, d’où ce changement de style.
Avec l’explosion du marché vidéo en France, comment percevez-vous vos concurrents ?
Ce n’est pas de la concurrence. C’est un peu prétentieux ce que je vais dire mais c’est là où peut-être on s’est rendu compte que j’étais le meilleur ! Tant que je n’avais pas de concurrents, on me comparait aux studios Falcon. Maintenant, on ne me compare plus à Falcon et on se rend compte de ma spécificité. J’ai toujours 20 ans d’avance et on ne pourra pas me rattraper. L’expérience, c’est irremplaçable. C’est pour ça que j’assume très bien mon âge.
Quel est le profil que doivent avoir vos acteurs ?
La légende veut que Cadinot, ce soit les petits minous, les crevettes. Or, moi, j’aime les mecs de 7 à 77 ans. Je n’ai aucun stéréotype. On dit qu’il y a un look Cadinot. Je ne sais pas, je le cherche toujours. Pour qu’un mec me fasse bander, il faut qu’il soit intelligent, qu’il ait du charme, qu’il ne soit pas hyper monté ou hypertrophié du muscle, qu’il ait l’air normal. Pas une statue ! Moi, je couche avec un être humain. Ce qui m’intéresse, c’est la personnalité de l’acteur. Un corps est un élément de l’individu. Les réalisateurs qui choisissent juste des beaux corps, ce sont des bouchers. Je ne filme pas des bouts de viande mais des êtres humains. Je transforme l’acte sexuel en acte d’Amour.
Le 16 mars prochain, vous allez recevoir votre quatorzième prix aux Etats-Unis.
Je suis davantage reconnu à l’étranger qu’en France. C’est le cas en Allemagne, en Amérique où j’ai reçu mon premier prix du meilleur film pour "Harem". Ceux qui aiment mes films aux Etats-Unis, c’est une élite. J’ai été reçu une fois par un professeur de français qui enseigne à l’UCLA et qui a fait une thèse sur mes films ! Ça, ça vous remonte. Attention, je n’ai pas la grosse tête mais j’ai le sentiment de ne pas avoir travaillé pour des prunes.
C’est facile de trouver des acteurs aujourd’hui ?
Ça l’était dans le temps. Les mecs sont moins spontanés aujourd’hui, ils sont plus bloqués. C’est la conséquence du minitel où les gens se renferment sur eux-mêmes dans un plaisir plus introverti. Peut-être aussi que ma notoriété leur fait peur. Mes acteurs sont très sollicités par d’autres maisons de production. On se les arrache. Anton, de "Etat d’urgence", a tourné aux Etats-Unis avec Chip Daniels, Michel Lucas ("Press Book") alias Ramsés Kairoff a tourné pour Falcon, deux garçons dans "Double en jeu" ont tourné chez Vidéozana… Je trouve cela flatteur.
Votre meilleur souvenir de tournage ?
Pour "Sacré Collège", le premier jour, j’avais demandé à tous les acteurs de s’habiller en costumes de tournage : le curé, le cuistot, le jardinier et tous les "school boys". Ceux-là, déguisés, sont partis jouer à chat perché. Ils sont revenus une heure après, crottés de la tête aux pieds. J’ai compris ce jour-là que l’habit fait le moine : le fait qu’ils se soient déguisés en culottes courtes, godillots et uniforme de collège, ils étaient devenus réellement collégiens.
Et le moins bon ?
Dans "Classe de neige", j’avais un Allemand qui, au cours d’une scène de ski, s’est planté contre un poteau de remontée mécanique. J’ai eu très peur pour lui. Il a été gardé huit jours en observation. Finalement, il n’avait rien. Quand il est revenu, sevré pendant huit jours, ça a été une bombe ! J’ai tourné trois scènes de cul avec lui le jour même ! C’était une anecdote a priori dramatique qui s’est heureusement bien finie.
Comment faites-vous pour restituer à l’écran une telle alchimie entre les acteurs ?
Ça se fait tout seul, grâce au fait que les gens vivent ensemble. Ils se connaissent. Je les observe longtemps, j’ai déjà travaillé avec chacun pour des photos, je connais leur psychologie. Autant pour mes scènes de comédie, je suis très précis, autant pour les scènes de sexe, je ne demande rien. Ils font ce qu’ils veulent. Ce n’est pas comme chez Falcon, je ne demande pas "Toi, tu fais l’actif et toi le passif". Non, moi, je suis un peu le José Bové du cul contre les fast foods du sexe !
Vous et les acteurs ?
Contrairement à ce que les gens croient, je ne les "essaie" pas. La légende veut que je couche avec mes acteurs. Je ne dis pas que ça ne s’est pas passé, il faut qu’il y ait le feeling et que les mecs aient envie de moi. Mais je respecte. Quand je tourne, j’évite d’avoir des relations sexuelles.
Parlez-nous de votre nouveau film "C’est la vie !"
Depuis "S.O.S", je fais une saga où l’on retrouve des personnages d’un film à l’autre, un peu comme une série américaine. Chaque film a son identité mais la fin enclenche le suivant. "C’est la vie !" raconte, entre autres, l’histoire d’un bisexuel qui se tape des mecs dans le dos de sa femme. Là aussi, c’est du vécu : le nombre d’hétéros qui ont tourné pour moi, c’est incroyable !