Au nom de l'égalité, des femmes réclament la PMA pour toutes en France - Reportage

Reportage

Au nom de l'égalité, des femmes réclament la PMA pour toutes en France

Les Françaises contraintes de partir à l'étranger réclament l'élargissement de la PMA aux femmes célibataires et couples lesbiens, au nom de l'égalité. Reportage.

E-llico.com / Actus

Au nom de l'égalité, des femmes réclament la PMA pour toutes en France
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Mis en ligne le 07/07/2017

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Anne-Laure, célibataire quadragénaire, a sacrifié l'"héritage" d'un grand-père pour tenter une grossesse dans une clinique de Londres.  d'un homme avec qui elle vivait depuis sept ans, Anne-Laure n'a pas le droit à la procréation médicalement assistée (PMA).

En France, seuls les couples hétérosexuels souffrant d'infertilité, ou risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant, ont accès aux techniques d'assistance à la procréation, telles le don de sperme ou la fécondation in vitro (FIV).

Anne-Laure, qui dit n'avoir pu pendant longtemps "passer dans les rayons layettes des supermarchés" ou "voir des femmes enceintes", a déboursé 18.000 euros pour trois FIV à Londres, auxquelles elle a dû ajouter le prix des billets de train et des nuits d'hôtel. Sans résultat.

"Je savais dès le départ que ça allait me coûter cher. Ma mère me disait que c'était de l'arnaque. Mais pour l'instant, je ne m'autorise pas à avoir de regrets".

L'argent, ce nerf de la guerre pour les exclues de la PMA, qui "discrimine" celles qui ne peuvent y recourir à l'étranger, tonne Virginie Rio, présidente du collectif Bamp, qui milite pour "faire changer les choses en France".

Si les inséminations sont facturées environ un millier d'euros, les FIV, qui nécessitent des manipulations préalables, coûtent selon les pays entre 5.000 et 12.000 euros l'unité. "Certaines femmes en font sept ou huit. Tout dépend de leurs finances", note Virginie Rio. Mais les plus pauvres, elles, "sont obligées de bidouiller des trucs un peu merdiques en France", s'énerve-t-elle.

Comme de trouver des donneurs artisanaux sur internet, qui vont parfois les contraindre à des "relations sexuelles non désirées". "Je me suis fait passer pour une fausse receveuse. On m'a demandé du sexe, de l'argent", raconte Sarah Dumont, journaliste et auteure du livre "Super-géniteurs", qui soulignent que si certains hommes se proposent de manière altruiste, ils sont minoritaires.

Loi obsolète

En France, "la PMA pour toutes", cheval de bataille de la communauté LGBT, était une promesse du candidat François Hollande lors de la présidentielle de 2012. Mais l'ex-président a fait machine arrière après les débats virulents ayant entouré le vote de la loi pour le mariage homosexuel en 2013, qui ont profondément divisé la société.

Au nom de la défense de la famille traditionnelle, et à l'initiative de l'association Manif pour tous, des milliers de personnes avaient battu le pavé pendant des mois.

Fin juin, le comité d'éthique s'est déclaré favorable à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Le gouvernement s'avance vers une transcription de cet avis dans la loi. La PMA sans père est "un détournement de la médecine", qui va "au-delà de l'humain" et "piétine les droits de l'enfant", dénonce la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de la Rochère.

Emmanuel Macron, qui s'est prononcé en sa faveur durant la campagne présidentielle, commettrait "une erreur majeure" en rouvrant ce dossier, assure-t-elle. L'argument fait bondir Laurène, militante LGBT de 37 ans, qui s'est rendue avec sa compagne à Bruxelles pour une PMA.

"Nos enfants ont des grands-pères, des oncles, des parrains, des maîtres, des puériculteurs, énumère-t-elle. "L'important est qu'ils soient confrontés à la diversité. Pas que cela se passe dans leur foyer". "Le père peut arriver après. Ce sera un père adoptif", argumente pour sa part France, célibataire de 39 ans, qui est passée par l'Espagne pour avoir son fils.

Et de dénoncer une loi française "obsolète", quand l'opinion publique est "beaucoup plus ouverte" que le législateur.

Près de 144.000 PMA ont été réalisées en France en 2014, aboutissant à 25.000 naissances sur un total de 820.000, selon les dernières statistiques de l'Agence nationale de biomédecine (ANB).

Outre les succès aléatoires de la PMA, les couples hétérosexuels touchés par l'infertilité sont confrontés à une carence de dons de spermatozoïdes, ovocytes ou embryons. Seuls 5% des PMA en 2014 ont été réalisés grâce aux dons.

L'ANB estimait à 1.200 le nombre de donneurs supplémentaires nécessaires en 2016 (300 hommes et 900 femmes) pour répondre aux besoins des "3.000 nouveaux couples touchés par l'infertilité". Du fait de cette carence, les couples hétérosexuels doivent déjà patienter deux ans pour un don de sperme et cinq pour un don d'ovocyte, ce qui en pousse certains vers les cliniques étrangères, selon plusieurs sources.

Une carence qui augmenterait encore si la PMA venait à être élargie à toutes les femmes. En mars 2016, 200 gynécologues ont signé une tribune intitulée "Nous, médecins, avons aidé des couples homosexuels à avoir un enfant même si la loi l'interdit", dans laquelle ils dénonçaient les "incohérences actuelles" et demandaient la mise en place d'un "plan contre l'infertilité".

"Toutes les avancées sur l'autonomie de la reproduction humaine ont été combattues : la contraception, l'IVG, la fécondation in vitro", constate le plus fameux des signataires, le professeur René Frydman, père du premier "bébé éprouvette". Pour qui la situation actuelle est "insultante" pour le corps médical. Et "injuste" pour les Françaises.

(Source AFP)

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